Quelles innovations envisager pour le développement du vélo?

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L’origine du vélo remonte au début du 19e siècle avec l’invention de la draisienne. Depuis, il n’a cessé d’évoluer au fur et à mesure de différentes innovations technologiques : pédale, roulement à bille, engrenages, transmission par chaîne, freinage, chambre à air, dérailleur, assistance électrique…Il fait encore aujourd’hui l’objet d’expérimentations et de développements, tant sur le plan matériel que pour ses usages. Il est même actuellement placé au centre du débat sur la mobilité. Pourquoi et comment ce mode de déplacement peut-il devenir un élément incontournable de la mobilité de demain ? Quels sont les axes de développement et d’innovation à envisager ?

©Christian Müller – Fotolia

Place du vélo aujourd’hui :

Une volonté de progression

Si en France le vélo a connu une forte progression ces 10 dernières années (51% d’augmentation du CA des ventes de vélo en 10 ans), plusieurs événements récents ont accéléré et vont probablement continuer d’accélérer cette progression.

Tout d’abord la volonté de décarboner la mobilité qui a conduit l’état français à promulguer la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) le 24 décembre 2019. Cette loi a pour objectif entre autres la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et entend apporter des solutions pour sortir de la dépendance à la voiture individuelle qui est un mode de déplacement à fortes émissions. Le vélo y apparaît donc comme une alternative : 60% des trajets effectués en France en voiture font moins de 5 km or le vélo est le mode de déplacement le plus performant pour les trajets de moins de 5 km et d’avantage avec un Vélo à Assistance Electrique (VAE). Une série de mesures (le « plan vélo ») vise ainsi à tripler la part modale du vélo d’ici 2024 (de 3% à 9%). Le forfait mobilité durable pour décarboner les trajets domicile-travail va permettre à un employeur de verser jusqu’à 400€/an à un salarié venant au travail en covoiturage ou en vélo. Le gouvernement va créer un fonds vélo – initialement de 350 M€ – pour que L’État cofinance des infrastructures aux côtés des collectivités. La lutte contre le vol de vélo sera renforcée avec la généralisation progressive du marquage des vélos et l’augmentation de stationnements sécurisés. L’Etat prévoit aussi l’apprentissage obligatoire du vélo à l’école primaire. Toutes ces dispositions devraient être précisées par des décrets non encore parus.

Juste avant la promulgation de cette loi, les grèves de décembre 2019 avaient entraîné une augmentation des ventes de vélos et de la fréquentation des pistes cyclables. Ce phénomène a été surtout observé en région parisienne. Certains avancent le chiffre de 20% de ventes de vélos neufs en plus. Il semblerait que les effets de la grève se soient prolongés au-delà de décembre 2019 puisqu’en février 2020 à Paris le nombre de vélos en circulation étaient toujours bien supérieur au nombre de vélos au mois de février 2019.

Enfin, le dernier événement venu bouleverser la mobilité est bien sûr la crise sanitaire de la Covid-19. Pendant le confinement, les vélos ont pu profiter des voies de circulation libérées en grande partie des voitures. Puis dans la période de déconfinement, l’anticipation de la désaffection des transports en commun par peur de contagion et la volonté d’éviter le recours massif à la voiture individuelle – qui signifierait un retour en arrière concernant les objectifs de mobilité durable – ont conduit l’Etat et de nombreuses municipalités à renforcer les actions en faveur du vélo. Le vélo apparaît comme une solution permettant de combiner la distanciation sociale et une mobilité « verte » sans émissions de GES. Plusieurs villes ont aménagé des pistes cyclables temporaires (« les coronapistes »), l’Etat a renforcé le plan vélo : lancement d’une académie des métiers du vélo, forfait de 50 euros pour la remise en état d’un vélo au sein d’un réseau référencé de réparateurs, création de places de stationnement temporaires, incitation à pérenniser les pistes cyclables temporaires…Les mesures sont nombreuses pour faire du vélo le grand gagnant de cette crise. Même si certaines villes suppriment déjà les pistes cyclables temporaires, ou que des ajustements seront nécessaires (comme ici à Lyon par exemple) on peut penser que le vélo va continuer son ascension. L’entreprise JCDecaux qui suit avec précision l’évolution des audiences et des mobilités depuis le déconfinement a remarqué qu’à Paris, le vélo est devenu une alternative forte aux transports en commun : indice 150 dès le 11 mai vs la moyenne des flux mesurés entre le 24/02 et le 13/03/2020, indice 300 au 31 mai. Ces chiffres sont néanmoins à nuancer car à cette période en 2020, une partie des Franciliens était toujours en télétravail ou en chômage partiel. De nombreux parents n’avaient pas non plus repris pour garder leurs enfants, les écoles ne fonctionnant alors qu’au ralenti.

A tout cela on peut rajouter les évidents bénéfices sur la santé de la pratique du vélo. En plus des effets directs (pratique d’une activité physique régulière), l’augmentation de la pratique du vélo en ville au détriment de la voiture individuelle pourrait entraîner une diminution de la pollution atmosphérique et sonore. Des décennies de recherches et des milliers d’études toxicologiques et épidémiologiques mettent en évidence un lien avéré de la pollution sur la santé. Santé publique France a estimé qu’en France, 48 000 décès prématurés sont attribuables chaque année aux particules fines. Quant à la pollution sonore, une estimation montre que l’exposition au bruit ambiant contribuerait à 10 000 décès prématurés par an. Près de 90 % des effets sur la santé en rapport au bruit sont liés aux nuisances sonores du trafic routier. Le CEVAA (Centre d’Expertise en Acoustique & Vibration) de l’Institut Carnot Energies et Systèmes de Propulsion conduit une étude sur le lien entre l’exposition au bruit des transports routiers et leur incidence sur l’hypertension artérielle.

Nouveaux usages

Parallèlement à ces différents événements, certains usages sont apparus ou ont pris de l’ampleur.

Quelques chiffres :

Avec un chiffre d’affaires de 2,33 milliards d’euros, le marché du cycle a progressé de 10,1 % en valeur en 2019 par rapport à 2018. Cependant, le nombre d’unités vendues a diminué de 2%, ce qui révèle une montée en gamme des vélos achetés.

C’est bien sûr le VAE qui connaît le plus de croissance, il représente aujourd’hui 45% du marché en valeur, soit 679 Millions € et + 23% de croissance. Il représente 15% des ventes en volume (388 100 unités en 2019 + 12% de croissance par rapport à 2018).

Source : Observatoire du Cycle, Marché 2019, Union Sport et Cycle

Une situation pas si parfaite

Attention néanmoins car les chiffres doivent être analysés avec prudence. La situation est préoccupante sur certains points :

  • La forte hausse de la pratique de vélo concerne seulement les grandes villes, soit moins de 20% de la population française. En réalité la pratique baisse presque partout ailleurs. La fracture territoriale est assez marquée. Le vélo continue à baisser en banlieue et dans les secteurs ruraux.
  • Il existe également une fracture générationnelle. L’évolution démographique ne va pas dans le sens de la pratique du vélo. Plus préoccupant encore selon l’ADEME, le vélo baisse parmi les très jeunes, notamment les collégiens qui représentaient dans les années 90 les utilisateurs principaux.
  • A cette fracture générationnelle s’ajoute une fracture sociale plus vaste : on constate une faible pratique des femmes, et des publics sociaux (ce sont essentiellement des cadres qui vont au travail en vélo).
  • Il est également à noter que le lien entre l’achat et la pratique est faible : ce qui signifie que le parc de vélos est important mais faiblement utilisé.
  • La balance commerciale est déficitaire et se dégrade : en valeur, les importations n’ont cessé de progresser, s’accélérant depuis 2014 avec le développement du VAE.
  • L’impact environnemental du VAE n’est pas nul : les batteries au lithium utilisées ont une autonomie limitée. L’extraction du lithium dans des mines à ciel ouvert est l’origine de la destruction de plusieurs écosystèmes, et de l’émission de GES.

Enfin, la forte hausse de la pratique du vélo en décembre dernier a également été accompagnée d’une hausse des accidents impliquant les deux-roues. Cette hausse serait cependant à relativiser : si à Paris, les accidents impliquant des deux-roues et des trottinettes a augmenté de 40%, le nombre de cyclistes a lui augmenté de 50%.

Quelles innovations ?

Outre les innovations d’usage citées plus haut, le vélo est l’objet de nombreuses innovations technologiques, et plus particulièrement le vélo à assistance électrique (VAE). On retrouve globalement les mêmes axes de R&I que pour l’automobile : batteries (y compris recharge et recyclage), hydrogène, IA, véhicule connecté…

Les problèmes des batteries, de leur autonomie et de leur recharge sont des freins à l’utilisation des VAE. Ainsi, l’entreprise française Thirty One a conçu un vélo doté d’une batterie Lithium-ion mais qui recharge à la décélération : il suffit d’une descente ou de rétropédaler pour recharger. L’entreprise française Gouach propose des batteries renouvelables garanties 10 ans qui permettent de traiter les cellules lithium-ion comme des consommables ce qui réduit de 80% l’impact écologique des batteries. La startup française Wello a conçu un vélo/triporteur électrique solaire pouvant transporter plusieurs personnes  la batterie peut être rechargée sur le secteur ou à l’aide des panneaux solaires installés sur le toit. La startup française Zoov a présenté récemment des bornes de recharge intelligentes sur lesquelles les vélos qui s’y accrochent peuvent s’échanger de l’énergie.

Concernant le recyclage des batteries, la filière s’organise puisque l’Union Sport et Cycles ’est rapprochée en 2017 de COREPILE, l’éco-organisme leader en France pour la collecte et le recyclage des piles et petites batteries afin de bénéficier de son expertise et d’assurer un recyclage efficace et sécurisé des batteries de VAE.

Des solutions commencent à apparaître pour s’affranchir de la problématique des batteries. La startup française STEE (Solutechnic Engineery Electronic) travaille sur un vélo électrique sans batterie et sans recharge, UFeel, pour lequel c’est l’énergie musculaire qui produit de l’électricité en entraînant une génératrice, laquelle alimente le moteur grâce à des supercondensateurs. Ce vélo n’est pas encore commercialisé. L’entreprise française Pragma Industries propose des vélos à assistance électrique avec une pile à combustible. Si pour le moment le vélo possède toujours une batterie lithium ion servant de tampon pour stocker l’énergie produite par la pile à combustible, il est question de la supprimer très prochainement. La ville d’Issy-les-Moulineaux vient d’intégrer le projet européen FCCP (Fuel Cell Cargo Pedelecs) pour expérimenter l’utilisation de vélos-cargo alimentés à l’hydrogène pour les livraisons en ville.

Le vélo de demain est également connecté et équipé de capteurs, que ce soit pour sa sûreté (problème du vol) ou pour la sécurité de son utilisateur (éviter les accidents). Par exemple, le moteur du vélo de Thirty One se connecte à un smartphone et peut ainsi être verrouillé à distance. Marc Simoncini et Jules Treco, (fondateurs respectifs de Meetic et d’Heroïn Bikes) ont créé Angell Bike (qui sortira d’ailleurs des usines de SEB, le fabricant français d’électroménager). Sa batterie intelligente est connectée à l’ordinateur de bord, lui-même intégré au cockpit. Le guidon « cockpit » permet de choisir les différents modes d’assistance de la batterie, voire même les programmes et d’obtenir de l’assistance à la navigation, un GPS indiquant directement sur le guidon la route à suivre et les poignées de ce dernier vibrant à gauche ou à droite à chaque virage à prendre. Un accéléromètre permet, en cas de chute, d’envoyer une alerte au contact de secours de l’utilisateur si celui-ci ne se déclare pas « en sécurité » sur son smartphone ou sur l’écran de son guidon. La société Velco vend aux professionnels un guidon connecté pour la gestion de flottes. Ce guidon s’intègre sur les vélos électriques et permet de remonter et de collecter des données sur les véhicules. En plus des dispositifs de sécurité (alarme et géolocalisation), il est indiqué comme permettant d’optimiser les coûts, les risques et la connaissance des ,clients. Un vélo électrique conçu par les chercheurs de l’université technologique de Delft est équipé d’un système d’auto-stabilisation prévenant les risques de chute de l’utilisateur. La société Garmin commercialise des radars de rétroviseur pour les cyclistes, avertissant ceux qui se trouvent à vélo lorsque des voitures et d’autres véhicules pourraient s’arrêter derrière eux.

Enfin, la forme du vélo évolue également, pour des raisons pratiques (transporter les enfants, les courses, aides les personnes à mobilité réduite…) ou de sécurité (augmenter la stabilité). On voit ainsi de plus en plus de triporteurs ou de vélos cargos. La startup française Elwy s’apprête à lancer un VAE biplace. Des initiatives pour une pratique du vélo plus inclusive commencent également à éclore : à l’instar du « HugBike » pour les enfants autistes ou le « Bike Chair » pour les personnes à mobilité réduite.

Quel futur ?

L’ADEME dresse 3 scenarios pour l’avenir du vélo en France :

  • Scénario 1 : poursuite des tendances. Forte progression dans les grandes villes, mais régression dans les périphéries, les petites villes, le milieu rural, parmi les enfants, les personnes âgées et une partie des actifs. Les collectivités les plus motivées continuent à investir mais aucun plan d’investissement n’est mis en œuvre en-dehors des grandes villes. A ce rythme, le vélo ne dépasse pas les 3,5% en France à l’horizon 2030.
  • Scénario 2 : le scénario de rattrapage. Toutes les collectivités grandes et petites réinvestissent dans le vélo, le maillage des aménagements et les continuités cyclables sont réalisés en banlieue et dans les territoires périphériques et ruraux. 100 000 km de nouveaux aménagements cyclables sont réalisés en 10 ans. Le vélo reprend parmi les enfants, le VAE aide au retour du vélo pour les personnes âgées et dans les secteurs à fort relief. Tout un écosystème vélo est mis en place. En 2030, la part modale du vélo atteint 9%, un scénario qui se rapproche de la moyenne européenne.
  • Scénario 3 : le scénario volontariste. Proche du scénario 2 dans ses objectifs mais avec un rythme plus soutenu. L’investissement dans les 5 premières années est massif sur tous les territoires de façon à atteindre 9% en 2024 et 24% en 2030.

Les apports de la filière Carnauto

Les freins à l’achat à et à l’utilisation sont essentiellement les infrastructures (et donc la sécurité), le prix et la météo. Le vol de vélo est également une préoccupation centrale : à Paris par exemple, le nombre de vols de vélos a augmenté dernièrement.

Les innovations nécessaires vont donc dans le sens de l’amélioration des infrastructures, de la sécurité, de la sureté, de la simplification des usages et de la résolution du problème des batteries.

La filière Carnauto possède toute l’expertise nécessaire pour relever ces défis et a déjà à son actif plusieurs innovations dans le domaine et continue de travailler sur le sujet :

 

 

C Chagny pour Carnauto