Véhicules autonomes : quelles opportunités pour les entreprises françaises? Partie 2/3
Dans la première partie, nous avons expliqué les différents niveaux des véhicules autonomes, puis nous avons commencé à décrire les technologies nécessaires pour la réalisation de ces véhicules en réalisant un état des lieux des capteurs. Dans cet article, nous nous intéressons à 2 autres technologies nécessaires : les réseaux de communication et l’intelligence artificielle.
Un réseau pour communiquer
Pour assurer l’autonomie (totale ou partielle : niveaux 3 à 5 de la classification SAE), les véhicules doivent communiquer non seulement entre eux (pour éviter les collisions), mais également avec l’infrastructure routière (pour connaître l’environnement, savoir se localiser précisément) : c’est ce que l’on appelle V2I (Vehicle to Infrastructure) et V2V (Vehicle to Vehicle). Cette communication doit se faire le plus rapidement possible et de manière continue. Cela nécessite donc une infrastructure de télécommunication homogène sur tous les territoires et performante car capable de faire transiter un grand nombre de données rapidement. En effet, si la quantité de données générée par une voiture connectée est (déjà !) d’environ 1 milliard d’octets par jour (soit mille fois plus qu’il y a seulement 4 ans), on estime que cela pourrait être multiplié par 30 000 pour les voitures autonomes ultra-connectées. Le domaine de la voiture automatisée et autonome rejoint donc la problématique des Big Data et de l’Internet des Objets.
La 5G est au cœur du débat. Pour beaucoup, elle est la clé pour le développement du véhicule autonome. Si jusqu’à présent wi-fi et 5G étaient en concurrence pour le développement de la voiture connectée, il semblerait que la 5G ait gagné le combat: en 2019, l‘Union Européenne a en effet donné son feu vert au déploiement de cette technologie, au détriment de la wi-fi. La raison ? Son potentiel technologique plus important. La 5G permettrait d’augmenter les débits d’un facteur 10 à 100 selon les utilisations par rapport à la 4G, de diminuer le temps de réponse jusqu’à la milliseconde et de pouvoir connecter un grand nombre d’objets (très haute densité de connexion: de 10 000 à 1 million d’objets connectés par kilomètre carré, soit 100 fois les capacités actuelles). Parmi tous ces « objets » connectés, le cabinet de conseil Gartner estime que d’ici 2023, les véhicules connectés et autonomes pourraient utiliser 53% de la bande passante de la 5G.
Les opérateurs de télécommunication travaillent au déploiement de la 5G, et participent à des expérimentations de cette nouvelle génération de réseau mobile centrées sur le véhicule autonome. Des actions de co-création sont engagées entre des opérateurs, des équipementiers télécom, des constructeurs, des équipementiers et des fabricants de semi-conducteurs. La 5GAA (5G Automotive Association) par exemple est une organisation mondiale intersectorielle créée en 2016 pour élaborer des solutions de mobilité en évitant les problèmes d’incompatibilité dès le début du processus de développement. Il est en effet impératif de s’assurer de l’interopérabilité entre tous les acteurs En plus des capacités du réseau (temps de latence, densité de connexion, …) les opérateurs doivent démontrer que leur réseau ne subit quasiment jamais de coupures, puisqu’une déconnexion pourrait avoir de graves conséquences. La dépendance des véhicules autonomes à une seule infrastructure peut se révéler problématique : qu’arrivera-t-il en cas de défaillance (d’origine malveillante ou accidentelle) du réseau ?
Il est à noter que des voix s’élèvent contre cette technologie. La première source d’inquiétude est le problème de la sécurité et de la dépendance à un autre pays. L’entreprise leader sur ce marché est la société chinoise HUAWEI, ce qui suscite la méfiance chez les pays Occidentaux (surtout depuis la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine). Cependant, d’autres fournisseurs apparaissent sur le marché et le français ORANGE a choisi ERICSSON et NOKIA pour son réseau 5G. D’autres interrogations se manifestent : la consommation énergétique, le cout pour l’environnement ou encore les impacts des ondes ultra-pulsées sur la santé.
L’Intelligence Artificielle pour décider et agir
Une fois que les données sont collectées et transmises, elles doivent être analysées en temps réel afin que des décisions d’action soient prises. Le traitement des données et la décision d’action se font par des algorithmes d’Intelligence Artificielle (IA). L’apprentissage automatique (Machine Learning) utilisé permet au système d’apprendre en se fondant sur l’analyse de données. C’est-à-dire qu’il faut « nourrir » le logiciel d’IA avec un grand nombre de données, de cas de figure différents pour qu’il apprenne à réagir de manière appropriée pour chaque cas : il faut « l’entraîner ». C’est là qu’est toute la difficulté. En effet, un véhicule évolue dans un environnement complexe et en changement permanent, dans lequel des événements nouveaux et inattendus peuvent arriver constamment. Le nombre de cas possible est quasi-infini. S’il existe des règles précises de conduite à respecter sur la route, il n’en existe aucune concernant le comportement des autres usagers, des piétons, des animaux ou de tout autre embûche pouvant survenir. Pour le moment, les voitures autonomes existantes en expérimentation sont toutes restreintes à des zones d’essais précises avec des conducteurs humains en sauvegarde car les logiciels ne sont pas suffisamment fiables. La technologie n’est pas encore mature. Pour certains spécialistes [1], l’IA manque de sens commun, de contextualisation, de flexibilité.
Pour remédier à cette problématique, beaucoup de logiciels sont conçus et expérimentés. Les chercheurs du MIT ont mis au point un système de simulation permettant d’entraîner l’IA des voitures autonomes en les faisant circuler dans un monde virtuel, avec un nombre infini de scénarii de conduite. Par ailleurs, le MIT travaille également sur une intelligence artificielle capable de prédire le comportement des humains au volant. WAYMO (ALPHABET GOOGLE) entraîne ses algorithmes d’apprentissage profond avec une technique développée par DEEPMIND, autre cousin de GOOGLE. Les ingénieurs de Microsoft tentent de doter leur Intelligence Artificielle d’une certaine forme de peur qui selon eux permettra au système d’apprendre plus vite. L’équipementier VALEO a quant à lui présenté au CES de Las Vegas 2020 un système intelligent capable de prédire le comportement, les intentions et les trajectoires des usagers vulnérables de la route.
[1] Rebooting AI, BUILDING ARTIFICIAL INTELLIGENCE WE CAN TRUST, By GARY MARCUS and ERNEST DAVIS, 2019.
A suivre jeudi 23/04 : Où en est-on aujourd’hui? Quel avenir? Quelles opportunités pour les entreprises françaises?
C. Chagny pour Carnauto