Véhicules autonomes : quelles opportunités pour les entreprises françaises? Partie 3/3

Après avoir expliqué les différents niveaux des véhicules autonomes et décrit les technologies nécessaires pour la réalisation de ces véhicules (capteurs, réseaux de communication et intelligence artificielle), nous concluons cette série avec un état des lieux des expérimentations actuelles, un point de vue sur l’avenir de ces véhicules et une synthèse sur les opportunités pour les entreprises françaises.

Où en est-on aujourd’hui ?

Les principaux objectifs du développement du véhicule autonome sont une réduction des accidents et des embouteillages. Les principaux freins sont : la règlementation et la notion de responsabilité, la peur du piratage, la problématique du réseau, le cout et les verrous technologiques.

Les acteurs sont de deux types (source Claude Laurgeau INTEMPORA /Mines Paris Tech) : d’un côté les constructeurs automobiles traditionnels (et équipementiers) et de l’autre les géants mondiaux du numérique, les GAFAM (GOOGLE, APPLE, FACEBOOK, AMAZON, MICROSOFT) et quelques startups. Si l’on en croit les médias, il semble que WAYMO (ALPHABET GOOGLE) soit le plus avancé techniquement. L’argument principal avancé est son expérience revendiquée de 10 millions de miles parcourus sur route et 7 milliards de miles en simulation. TESLA revendique 1,3 milliards de miles parcourus dans le mode autopilote. Les autres compétiteurs sont les constructeurs traditionnels AUDI, BMW, DAIMLER, GM, RENAULT NISSAN, PSA, TOYOTA ….  Et des équipementiers BOSCH, CONTINENTAL, VALEO, ou encore des fournisseurs de technologie MOBILEYE, VELODYNE, NVIDIA ….

Les véhicules en vente actuellement ne dépassent pas le niveau 2. Les véhicules plus avancés testés actuellement le sont dans des zones restreintes et sans environnement urbain complexe.

© sdecoret – Adobe Stock

Les véhicules autonomes font l’objet de nombreux travaux de recherche. En France plus particulièrement, de nombreux projets ont vu le jour avec des instituts de recherche académiques comme l’INRIA (pionnier avec les cybercar ), le CEA, l’INSTITUT MINES TELECOM, VEDECOM, l’Université Gustave Eiffel ,l’Université de Clermont-Ferrand, mais également les laboratoires de recherche de contructeurs et équipementiers automobile VALEO , CONTINENTAL , RENAULT ,PSA ainsi que des PME comme INTEMPORA , SHERPA, YOGOKO.

On assiste à un essor des expérimentations de navettes autonomes dans de nombreuses villes à travers le monde. Ces navettes sont souvent considérées comme un prélude à la voiture autonome. En France, plusieurs expérimentations sont en cours, notamment avec les deux entreprises françaises EASYMILE et NAVYA qui paraissent bien positionnées sur le marché. Ces navettes sont des véhicules de niveau 4 : leur vitesse est limitée (18km/h), elles sont de petite capacité, effectuent un court trajet prédéfini sur lequel les feux tricolores doivent être connectés et les stationnements gênants doivent être à tout prix interdits (elles ne peuvent pas contourner). L’accueil est mitigé. L’état français encourage les expérimentations et certaines sont reconduites ou initiées (Rennes, Rueil-Malmaison, Vélizy, Versailles…). Il semblerait même que la crise du Covid-19 ait eu des conséquences inattendues sur le marché des navettes autonomes : NEOLIX TECHNOLOGIES, une start-up logistique autonome basée principalement à Pékin a démontré comment utiliser cette technologie dans des circonstances de crise sanitaire (livraison de fournitures médicales ou de nourriture, désinfection des rues…). Résultat : les autorités chinoises prévoient de subventionner l’achat de véhicules autonomes jusqu’à hauteur de 60% du prix d’achat, du coup, NEOLIX prévoit de livrer 1000 navettes cette année. En Floride, des navettes NAVYA transportent des tests de Covid-19 dans un centre médical. Ces navettes accélèrent la vitesse de la livraison des échantillons entre deux bâtiments du centre hospitalier tout en évitant de monopoliser le personnel médical. En Californie, ce sont des navettes de la startup NURO (fondée par deux anciens ingénieurs de GOOGLE) qui transportent du matériel médical entre deux stades convertis en centres médicaux pour lutter contre l’épidémie de Civid-19.

Attention cependant, ces navettes ne transportent pas de passager.

Mais d’un autre côté EASYMILE est contraint de suspendre temporairement l’ensemble de ses essais de navettes autonomes avec des passagers aux Etats-Unis (suite à la chute d’un passager de son siège) et l’établissement public Paris La Défense a interrompu l’expérimentation de navettes autonomes.

Enfin, la commission européenne rend obligatoire certains dispositifs d’aide à la conduite dès 2022 : adaptation intelligente de la vitesse, facilitation de l’installation d’un éthylomètre antidémarrage, systèmes d’avertissement en cas de somnolence et de perte d’attention du conducteur, systèmes avancés d’avertissement en cas de distraction du conducteur, signaux d’arrêt d’urgence, systèmes de détection en marche arrière, enregistreurs de données d’événement, système précis de surveillance de la pression des pneumatiques. La Commission européenne table sur 25.000 vies sauvées et 140.000 blessés évités d’ici à 2038 grâce à ces systèmes.

Quel avenir ?

Les avis diffèrent grandement. McKinsey par exemple, prévoit qu’en Chine les véhicules complètement autonomes (niveau 4 et 5) seront déployés massivement d’ici 9 à 10 ans. Selon eux, en 2040, 66% des passagers-kilomètres seront parcourus à l’aide de véhicules autonomes, qu’ils soient d’usage privé (11%) ou de services (55%). Pour ces chercheurs du CNRS, la route est encore très longue et ils ne voient pas l’arrivée du véhicule autonome avant 2050. Mais beaucoup de spécialistes aujourd’hui sont sceptiques et remettent en question l’arrivée d’une vraie voiture autonome un jour : verrous technologiques, éthiques, juridiques, économiques, les problèmes sont trop nombreux. Le passage au niveau 5 ne relève pas de l’innovation incrémentale, mais bien disruptive.

© pickup – Adobe Stock

Au vu de toutes ces difficultés, certains acteurs changent leur stratégie à l’instar de la startup britannique FIVE (nom donné en référence au niveau 5 de conduite autonome recherché). En effet, face à la difficulté de produire des voitures complètement autonomes comme prévu initialement, la startup a récemment changé d‘orientation et prévoit désormais de commercialiser son savoir-faire technologique sous licence à d’autres constructeurs de voitures autonomes. De même la startup française NAVYA a changé de stratégie en 2019 : la société va désormais commercialiser ses technologies (logiciel et architecture de capteurs) et ne plus prendre en charge l’intégralité de la chaîne de valeur.

Le développement d’un système complet et opérationnel de véhicule autonome et connecté paraît difficilement réalisable par un seul acteur. Le problème est multidisciplinaire et complexe. Cependant, l’amélioration des ADAS, la logistique du dernier kilomètre et les navettes autonomes sur des trajets courts et prédéfinis semblent être des perspectives raisonnables à moyen terme. La crise sanitaire actuelle ayant fortement ralenti l’économie, et particulièrement l’industrie automobile, des retards sont néanmoins à prévoir dans ces domaines d’innovation.

Signaux pour les PME Françaises

Le tableau suivant synthétise les principales opportunités :

Pour conclure

Grâce à la diversité de ses experts et de ses plateformes, le réseau Carnauto possède la multidisciplinarité nécessaire à l’appréhension de la problématique technologique propre au véhicule autonome dans sa totalité. Capteurs, systèmes de communication, Intelligence Artificielle, tous les domaines sont traités :

  • La plateforme ARAGO : technologies de communication sur fibre optique, réseaux et capteurs optiques pour les véhicules intelligents ainsi que dans le domaine de la vision pour la conduite de véhicule.
  • La plateforme Autonomous Lab Car : développement de systèmes d’assistance à la conduite et de systèmes mécatroniques (capteurs, actionneurs, commande, etc.) qui interagissent avec le véhicule.
  • La plateforme Cybersécurité : sécurité des composants, des systèmes embarqués et des systèmes complexes.
  • La plateforme Digital Intelligence : analyse automatique en temps réel d’images et vidéos, conférant ainsi au véhicule la perception et le discernement pour l’aide à la conduite ou la navigation autonome.
  • La plateforme Navigation Autonome : dédiée à l’intégration et au test de nouvelles technologies pour la robotique mobile et le véhicule autonome.
  • La plateforme Open Air Interface : développement open source hardware/software sur les communications radio numérique, telles que la 4G et la 5G.
  • La plateforme TeraLab : innovation et recherche en matière d’analytique big data.

 

 

Pour en savoir plus :

INRIA Livre blanc 02 Véhicules autonomes et connectés, Les défis actuels et les voies de recherche, 2018.

IAU (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme), « Expérimentation et déploiement du véhicule autonome en Ile de France », mais 2019.

Stratégie nationale de développement des véhicules autonomes, DÉVELOPPEMENT DES VÉHICULES AUTONOMES, Orientations stratégiques pour l’action publique, mai 2018.

CAPGEMINI, « The Autonomous Car report », mai 2019.

WEVOLVER, 2020 AUTONOMOUS VEHICLE TECHNOLOGY REPORT.

MK KINSEY, The future of mobility is at our doorstep, décembre 2019.

C. Chagny pour Carnauto