Quel futur pour la mobilité terrestre?

La question de la mobilité est cruciale pour la construction du monde de demain. Le contexte actuel – crise sanitaire, réchauffement climatique – est particulièrement complexe et instable, les enjeux sont multiples. Il est aujourd’hui difficile pour les PME, les TPE et les ETI de savoir quelle orientation donner à leurs activités. Les experts Carnauto synthétisent ici les principaux signaux repérés dans différents rapports ou articles concernant le futur de la mobilité. Les points d’attention et les axes de progrès et de recherche sont mis en avant pour permettre aux PME françaises de l’automobile et de la mobilité terrestre de mieux appréhender l’avenir, d’être innovantes, d’anticiper les changements et de s’y adapter.

Les différentes études qui ont servi de base pour cette synthèse sont :

Les problématiques des transports aérien, maritime et ferroviaire, hors du rayon d’action de Carnauto, ne sont pas traitées.

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La question de l’innovation et de la recherche ne peut plus aujourd’hui être traitée de manière isolée mais en interaction avec toutes les dimensions de la société : politique, économique, socioculturelle, environnementale et légale. Dans une première partie, nous tacherons donc de répondre à la question : quels facteurs sociétaux vont influencer le futur de la mobilité terrestre ? Dans une deuxième partie, les technologies clés pour l’avenir de la mobilité terrestre sont présentées.

Influence de facteurs sociétaux (au sens large : politiques, économiques, socioculturels, environnementaux et légaux) :

Crise sanitaire Covid-19

Il paraît aujourd’hui évident de commencer cette réflexion par l’analyse des impacts potentiels de la crise sanitaire du Covid-19 sur la mobilité. Si l’on en perçoit aujourd’hui les effets à court terme, il est fort probable que certains effets resteront à plus long terme. Le respect des gestes barrière et de la distanciation sociale, mais également l’appréhension des populations vont entraîner des modifications dans la manière de se déplacer. On peut penser qu’à plus long terme, les villes et les pays souhaiteront d’une part anticiper d’autres pandémies, d’autre part profiter des modifications d’usages initiés au cours de cette crise pour mener des actions à plus long terme dans la perspective de la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES).

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Le premier constat est l’essor du vélo : de nombreuses villes dans le monde entier ont pris des mesures pour faciliter son utilisation. En France, le trafic routier étant fortement réduit pendant le confinement, de nombreuses pistes cyclables temporaires ont été aménagées. La ministre de la Transition écologique et solidaire a proposé de débloquer 20 millions d’euros pour aider les villes et départements à préparer des pistes cyclables et des zones piétonnes provisoires, et d’offrir un forfait de 50 euros aux propriétaires de vélo pour le faire réparer chez un professionnel agréé. Pendant cette crise, des expérimentations de navettes autonomes pour le transport de matériel médical se sont développées (voir article précédent sur les véhicules autonomes). Ces navettes ne transportent pas de passagers, mais sont une solution à la problématique de la logistique du dernier kilomètre. Le deuxième gagnant de la crise est la voiture individuelle car il est fort possible que les transports en commun pâtissent de cette crise. Des expérimentations de transports gratuits avaient débuté dans certaines villes, elles pourraient se multiplier pour favoriser le retour des usagers dans les transports en commun. Ceux-ci vont dans un premier temps privilégier des alternatives « douces » et individuelles (vélo, trottinette, hoverboard, marche…). Ces habitudes pourront perdurer dans le temps puisque presque un tiers des Français affirment vouloir opter pour des moyens de transports plus durables après le déconfinement. Les habitudes de télétravail pourraient également perdurer, ce qui pourrait marquer la fin de « l’hypermobilité ». La mobilité partagée risque également de souffrir de cette crise.

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Enjeux climatiques

La problématique du changement climatique est le deuxième facteur externe qui va influencer la mobilité à long terme. Deux processus sont liés à cet enjeu : l’atténuation et l’adaptation.

L’atténuation consiste en la réduction des émissions de GES, avec un objectif zéro émissions nettes à l’horizon 2050 pour la France. Cela va entraîner le développement de moyens de transport plus « verts » : petites mobilités douces (vélo, trottinettes…), moteurs électriques et/ou à hydrogène, développement du transport ferroviaire au détriment de l’avion (Air France devra désormais réduire ses vols intérieurs dès lors qu’une alternative ferroviaire de moins de 2h30 entrait en concurrence pour pouvoir bénéficier du versement de l’aide de sept milliards d’euros pour sauver l’entreprise). Cela pourra également entraîner, comme pour la crise sanitaire du Covid 19, l’augmentation du télétravail et la fin de l’hypermobilité. Les notions d’écoconception, de recyclage et de matériaux bio-sourcés vont prendre de l’importance dans les processus de production des véhicules. La mesure de l’impact écologique d’un produit va de plus en plus s’orienter vers une Analyse en Cycle de Vie, de manière à ne pas externaliser les émissions de GES : la prise en compte de l’impact de la collecte des matières premières nécessaires, de la production, de la chaîne logistique, de l’utilisation et de la fin de vie d’un produit sont pris en compte dans les calculs d’impact écologique de ce produit. La Loi d’Orientation des Mobilités en France va dans le sens de transports plus accessibles, moins coûteux et plus propres.

Le deuxième processus lié au changement climatique est l’adaptation : il s’agit d’en limiter les impacts négatifs. Il sera nécessaire d’anticiper les impacts physiques des risques climatiques sur les chaînes d’approvisionnement : par exemple, une étude du McKinsey Global Institute montre que pour les métaux lourds essentiellement extraits dans le sud-est de le Chine, la probabilité d’occurrence par an de pluies ayant une intensité telle qu’elles entraînent la fermeture des mines va augmenter de 2,5% aujourd’hui à 4% en 2030 et 6% en 2050 si rien n’est fait pour diminuer les émissions de GES, ce qui va augmenter les prix pour toutes les industries aval.

Géopolitique

Les tensions géopolitiques entre la Chine et les Etats-Unis et la volonté de la Chine de se positionner en première place pour l’Intelligence Artificielle et les réseaux 5G sont un troisième facteur d’influence sur les entreprises de la mobilité. En effet, ce point indique également qu’une attention particulière devra être portée aux chaînes d’approvisionnement, notamment en métaux lourds. Il faudra donc diversifier et sécuriser les sources d’approvisionnement. Un accent devra être mis sur la recherche concernant les batteries pauvres en métaux lourds (ou autres alternatives) et les réseaux de communication (5G).

Importance des villes/territoires

L’importance grandissante des villes et des territoires est un signal fort qui ressort de l’étude des différents rapports. La question de la mobilité est fortement liée à l’urbanisation et à l’aménagement du territoire. Nombreuses sont les villes qui s’impliquent dans la mise en place d’expérimentations, de nouvelles mobilités, de nouveaux usages, surtout dans l’objectif de la réduction des émissions de GES. On assiste à un développement des smartcities et de plus en plus de villes tendent vers un centre-ville sans voitures. Pour les entreprises de la mobilité, cela implique de travailler en collaboration avec les territoires : co-conception, innovation centrée utilisateur, expérimentations sur le terrain, réflexion sur les infrastructures, la communication, l’interopérabilité (besoin d’homogénéité sur tout le territoire français), la multimodalité, sont des axes de travail à prévoir.

Modification des usages

Les usages et les attentes des consommateurs évoluent. Avec les différents scandales passés sur les données personnelles et la crise actuelle, la confiance est une valeur essentielle. Les consommateurs/utilisateurs influencent eux-mêmes les pratiques des entreprises. De plus, on assiste à une migration du mode de consommation de la propriété à l’usage : mobilité à la demande, « as a service », co-modale, sont de nouveaux modes de consommation qui peuvent se substituer à l’achat d’un véhicule personnel (attention néanmoins aux effets de la crise sanitaire sur ce point). A cela, les entreprises devront répondre par une conception éthique (« ethics by design »), centrée utilisateur, un nouvel écosystème basé sur la confiance, des méthodes de conception collaboratives et participatives, de nouveaux modèles d’affaires.

Big data

En lien avec la prise de conscience des consommateurs et l’explosion du nombre de données, les problèmes de l’anonymisation et de la propriété des données ainsi que de la captation de données privées sont devenus fondamentaux. La conception numérique responsable et sociale et un soutien R&I aux problématiques d’anonymisation et de sécurisation des données pourront apporter des solutions. Avec l’apparition des véhicules connectés ou autonomes, le risque de cyberattaques est plus important et avec des conséquences plus graves. Les besoins en R&I en cybersécurité sont donc capitaux.

Marché concurrentiel

Enfin, le domaine des « deep tech » de la mobilité est fortement concurrentiel et dominé par 9 compagnies : 6 compagnies américaines (G-MAFIA : Google, Microsoft, Amazon, Facebook, IBM, Apple) et 3 compagnies chinoises (Baidu, Alibaba et Tencent). Ces compagnies sont tellement puissantes qu’elles ont leurs propres départements dédiés à la géopolitique et certains se demandent si elles n’ont pas autant d’influence qu’un pays. Elles tentent d’influencer les lois, ce qui poussent certains pays à voter des lois anti-trust pour éviter une consolidation du marché trop importante. Face à cette concurrence, les PME doivent travailler sur une spécialité, un segment de la chaîne et nouer des partenariats.

Plus généralement, les entreprises doivent faire face à un monde instable, en évolution constante et rapide. Elles doivent donc faire preuve d’adaptabilité, ce qui nécessite un travail d’anticipation, de prospective, permettant d’assurer la résilience de toute leur chaîne de valeur.

Le tableau ci-dessous résume les principaux constats :

Quelles technologies clés ?

Les principales technologies clés pour la mobilité terrestre de demain et les implications pour les entreprises sont données dans le tableau ci-dessous :

La R&I pour ces technologies clés peut se subdiviser en 3 défis d’innovation à relever :

Un défi Technologies de l’Information et de la Communication.

Un défi motorisation et vecteurs énergétiques.

Un défi matériaux et architecture.

 

Les experts de Carnauto sont réunis autour de ces trois défis pour la mobilité de demain. Plus de 50 plateformes technologiques sont disponibles avec plus de 8000 experts pour renforcer la compétitivité et l’attractivité des entreprises et faciliter leur accès à l’innovation.

C. Chagny pour Carnauto